par Kirjava » 10 Juil 2017, 09:56
(oui j'aime remonter des débats trois semaines après)
La question du mensonge aux enfants est un peu complexe, parce qu'il y a énormément de paramètres à prendre en compte, comme dans toutes les questions liées à l'éducation. La personnalité de l'enfant, sa maturité... Est-ce qu'il est apte à accepter qu'on lui ait menti, "par nécessité" ou non ? Etant l'aînée d'une famille et ayant eu à m'occuper de mes frères, de mes cousins et de mes cousines, dont les âges vont de treize à trois ans, j'ai remarqué que chaque enfant n'avait pas la même sensibilité. Certains, par exemple, ont mal pris la révélation du père Noël/lapin de Pâques/petite souris qui n'existait pas, se sont sentis trahis comme l'a souligné Captain Starbuck. Ca a été mon cas et celui de mon frère. D'autres, comme trois de mes cousins, l'ont tout à fait accepté, comprenant que cette jolie histoire, bien que mensongère, apportait un peu de magie dans la vie des enfants. Dès lors, ça devient complexe. Je pense que, en tant que parent, grand frère, grande sœur, mamie, bref, en tant qu'aîné(e)s, il faut nous demander, dès qu'on pense à mentir à un enfant : "Quel impact cela aura sur lui ?" mais aussi "Quel exemple est-ce que je vais lui donner en mentant ainsi ?". Car si l'on ment trop, on risque de banaliser le mensonge auprès des enfants, ce qui n'est pas très moral et risque de causer des ennuis à tout le monde. Pour ma part, je préférerais toujours apprendre à des enfants le goût de la vérité et l'honnêteté, et leur montrer qu'il ne faut recourir au mensonge qu'en cas d'extrême nécessité.
Certains diront qu'il existe aussi des "petits mensonges", qui ne portent pas à conséquence. On retrouve ici notre papa Noël, ou les compliments du style "j'aime bien tes pâtes, tatie" alors que les spaghetti de tante Gertrude sont trop cuits. Je suis un peu mitigée sur la question. Si j'ai des enfants, plus tard, je ne leur ferait pas croire au père Noël, par exemple. Déjà parce que j'insisterai plutôt sur le caractère religieux de cette fête, mais ça ça me regarde, mais aussi car, comme l'a dit ma voisine du dessus, ça peut retirer tout un tas d'illusions à un gosse. Et puis sans rire, les étalages de Barbie géants dans les supermarchés et les pubs H24 à la télé, vous trouvez ça "magique", vous ? Je ne pense pas qu'il faut pailleter le quotidien des têtes blondes : un réalisme froid n'est peut-être pas bon non plus, mais pourquoi ne pas chercher à leur montrer les bons côtés de la vie réelle, au lieu d'inventer des histoires fantasques ? Savoir que leur famille les aime et leur a acheté un jouet peut leur faire plaisir, sans avoir besoin de mentir. Quant aux mensonges "pour faire plaisir", je pense là encore que le tact est la meilleure des choses à leur apprendre. Pas besoin de dire "ces pâtes sont géniales !" et d'être hypocrites, mais manger sans faire de grimace, voire faire une critique constructive sans être violent. Alors bien sûr la nuance est peut-être difficile à comprendre pour un enfant - mais là encore, aux plus grands de montrer l'exemple ! Et dans le cas où c'est l'enfant qui fait un truc pas terrible (mais si vous savez, les colliers de nouilles ou les dessins de patates vaguement anthropomorphes), je pense qu'on peut leur dire merci, que c'est très beau, parce qu'évidement à cet âge on n'est pas Courbet, mais aussi parce que c'est l'intention qui compte et que le petit a mis son cœur dedans. Bref, plutôt que d'encourager les "petits mensonges", je pense qu'il vaut mieux enseigner le tact.
D'autres ont fait émerger des problèmes différents : faut-il mentir par rapport à la sexualité ? Par rapport à la violence du monde ? Je dirai d'abord que, dans la plupart des cas, il ne s'agit pas de mensonges, mais plutôt d'une dissimulation de vérité : pas mal de parents n'abordent JAMAIS les questions sexuelles/amoureuses avec leurs enfants. Je pense que ce sont des sujets un peu difficiles à aborder, certes, mais par lesquels il faut passer. Certes, je ne pense pas que parler de rapports sexuels avec un enfant de quatre ans soit adapté. Mais comme certains l'ont souligné, les enfants finissent par poser des questions bien précises : "Comment on fait les bébés ?", "Pourquoi les terroristes veulent nous tuer ?" (oui, ma cousine a posé celle-là), "Pourquoi papy n'est pas revenu de l'hôpital ?"... Et parfois, difficile d'expliquer clairement. Je ne pense pas qu'il faille mentir, ni que le fameux "Tu comprendras quand tu seras plus grand(e) !" soit pertinent. Je dirai là-aussi qu'il faut avoir du tact, l'idée des euphémismes de Captain Starbuck me plaît bien d'ailleurs. Je dirai aussi qu'il faut laisser les enfants se poser des questions par eux-mêmes, ils vont vite être confrontés à des choses "difficiles", comme la mort, la violence... Bon, le sexe n'est pas un sujet "difficile" en soi, mais c'est un sujet complexe, pas toujours facile à aborder, qui peut les gêner, mais qu'il faut connaître un minimum aussi. Et il faut, je pense, leur faire comprendre que nous serons là pour leur répondre, et leur répondre le plus honnêtement possible.
Bref, pour résumer je dirai que je suis pour une honnêteté usée avec précaution, et pour qu'on montre aux enfants le monde et la vie tels qu'ils sont, sans être trop crus mais sans maquiller la vérité. C'est très général, encore une fois ça dépend des enfants, mais c'est comme ça que je vois, à travers l'exemple de tous les petits que j'ai vu défilé, la manière dont il faut élever les enfants. Bref, je suis pour un "réalisme parcimonieux", si l'on peut dire.