par loéva-mat » 24 Jan 2013, 23:28
Cette question de la représentation du jeu vidéo dans les média est super intéressante.
Bon vous avez déjà dis pas mal de trucs sur vos expériences de jeu et comme quoi, non, vraiment, c'est pas parce qu'on passe une après-midi à dégommer des mecs dans un jeu qu'on va aller reproduire le scénario au dîner de famille ou au lycée.
Les personnes qui tombent là dedans ne le font pas en raison du jeu vidéo mais leur addiction à un jeu vidéo peut être liée aux facteurs expliquant leur passage à l'acte (mal-être, perception de la réalité biaisée, problème psychiatrique, etc.). Il faut quand même être assez présomptueux pour réellement croire qu'un objet culturel va à ce point influencé une vie (on parle là d'attitudes extrêmes).
Si certains journalistes se permettent si facilement de faire des rapprochements hasardeux (tout de suite décriés par les amateurs et connaisseurs) c'est peut-être par pure simplicité et parce que ça assure une certaine audience. Dès qu'un article de journal met "jeu vidéo" et "tuerie" en parallèle l'article attire les lecteurs comme les soldes attirent les fashion-victimes (et hop, une autre caricature).
Dernièrement Usul (chroniqueur pour jeuvidéo.com) a répondu à une interview pour les Inrockuptibles dans laquelle il dit regretter que les jeux vidéos soient souvent considérés comme un simple objet de consommation. Auquel on donne une note en fonction de ses performances et de son prix...
Hors selon lui -et il l'exprime très bien dans ses chroniques, qui sont agréables à regarder même pour les non initiés tels que moi (qui depuis me sens un peu moins bête à ce sujet)- c'est bien un objet culturel, au même titre que les films, les livres, la musique, etc.
Et comme tel il ne faut pas seulement les envisager comme de simples "jeux" mais prendre conscience des enjeux et des partis-pris qui existent dans tous ces jeux.
Bon j'ai pas envie de vous faire un résumer de chacune de ses chroniques mais celle sur la virilité est quand même assez criante par rapport à ça : l'image de l'homme véhiculé dans certains jeux. (idem pour l'image des femmes, de la guerre, etc.).
Enfin du coup, lui, apporte un éclairage assez brillant et assez novateur (selon moi) sur le jeu vidéo et ses implications.
On peut aussi souligner le terme "Jeu vidéo" qui est assez générique pour désigner tout un tas de réalités et de tendances qui trouvent toutes leurs adeptes (tout comme il y a plein de cinéma différents).
Je crois qu'effectivement le jeu vidéo dans les grands média actuels (JT, journaux non spécialistes) snobe ce monde culturel bouillonnant et n'en parle que pour asseoir une certitude infondée que le jeu vidéo est une tare dans notre société (alors même que les journalistes, s'ils devaient vraiment s'expliquer sur ce sujet, n'aurait certainement pas un avis si tranché). Sauf que doucement, avec internet et ces chroniques tout public (on peu citer le joueur du grenier), avec l'explosion des salons et un changement progressif de la mentalité le jeu vidéo commence enfin à être traité de façon sérieuse. Ça n'atteint pas encore les sphères visibles mais je suis plutôt optimiste quant à l'avenir de cette question.
Pour revenir sur ce qui a été précédemment dit il faut effectivement éviter de tomber dans le "journalistes, tous pourris", la plupart s'en fichent et n'en parlent pas et ils ne doivent pas porter la responsabilité de leurs collègues qui ne respectent pas la déontologie (sortent des affirmations sans rien vérifier, sous entendent une relation de cause à effet sans aucune certitude en la matière et essaient encore de faire croire qu'ils disent ça objectivement alors qu'ils ne citent que le jeu-vidéo comme passe-temps du dernier tueur en série (en omettant d'autres détails importants)). Tout ça laisse planer une ambiguïté : on en parle jamais sauf quand c'est grave et négatif (et qu'il y a des victimes, si possible jeunes et innocentes).
Plus que la responsabilité du journaliste c'est aussi celle de la ligne éditorial. Comme dit plus haut il faut avant tout attirer les gens et leur donner envie de lire, même si on leur donne à lire des infos biaisées, mal rédigées et mal documentées. Ajoutons à ça la nécessité absolu qu'on ressent de trouver un responsable ou une raison tangible à un acte qui semble inexplicable.
Après je ne crois pas qu'il faille bloquer toute discussion autour de l'influence des jeux vidéo. Mais pas en tant que jeux vidéo - jouer aux sims n'aura pas les mêmes effets (si effets il y a) qu'à Wow. Mais ça ça nécessite un débat plus élever que "jeu vidéo : bien ou mal ?". Cette question peut et doit être traitée mais sérieusement. On n'aurait pas l'idée de comparer sur le même plan les effets d'une comédie romantique et ceux d'un documentaire sur la seconde guerre mondiale donc il faut aussi comprendre l'étendue de la difficulté de la question et s'imposer une certaine rigueur scientifique.
Je ne dis pas qu'on va devoir, maintenant, aborder le jeu vidéo comme on aborde l'OGM - ça doit rester une source de plaisir, un moment d’insouciance et surtout que le joueur conserve sa liberté (il a le droit de jouer parce qu'il aime ça, inutile d'aller prouver que ça favorise le sommeil profond ou que ça permet d'augmenter les capacité de réflexion de 10% ...). Mais le jeu vidéo mérite qu'on s'interroge sur ce qu'il est dans notre monde social et économiques et quel rôle il peut jouer. Et ce rôle ne se limite certainement pas à fabriquer des tueurs en série et des étudiants non-diplômés.
Je pense que notre génération doit aussi s'attacher à cette question, on est tous joueurs (même en très petite consommation, la console de salon est quand même devenue un grand classique dans la plupart des foyers) et on ne laissera pas passer très longtemps les points de vue injustifiés qui foisonnent de temps à autre.
C'est anecdotique mais après la dernière tuerie aux Etats-Unis le nom d'un jeu vidéo présenté à demi-mot comme responsable du comportement du garçon est sortit, accompagné d'une brève description sur Le Monde. Dans les commentaires certains y sont allés de la traditionnelle revendication "jeu vidéo avec armes, sang, violence, ... interdits" (ils n'imaginent même pas imposer une même censure aux livres ou aux films) mais une énorme proportion de commentaires ont clairement expliqué en quoi la description du jeu ne correspondait pas au titre donné et, surtout, que ce jeu vidéo ne justifiait rien du tout puisqu'il mettait en scène des samouraïs. Bref un journaliste s'est laissé à recopier bêtement une fausse information et une partie des lecteurs ne s'y sont pas laissé prendre et ont fait part de leur mécontentement.
Ce n'est qu'une anecdote, en rien une preuve de quoi que ce soit mais j'imagine qu'à terme les journalistes se devront d'être aussi consciencieux avec les jeux-vidéo qu'ils peuvent l'être avec d'autres informations économiques et politiques (ou même culturelles - on n'imagine pas un journaliste se planter de nom de réalisateur et baser son analyse sur cette erreur).
Autre anecdote personnelle, et je finirais là dessus, j'ai eu une période "sims" assez terrible au collège. J'y passais des heures sans pouvoir et sans vouloir m'arrêter. C'était infernal. Je m'en étais tellement imprégné que quand une amie m'a fait part des problèmes financiers de sa famille j'ai failli lui dire, nonchalamment, d'utiliser "le code" (cf : le code pour devenir miraculeusement riche). Ça m'a fait très drôle d'avoir ce reflex. Pour autant je n'aurais pas maintenu une conversation sur ce principe là et l'absurdité de ma réflexion m'a sauté au visage avant même que le premier mot ne franchisse mes lèvres -ouf!-
Tout ira bien