En écoutant certains témoignages ou prise de parole d'homosexuels contre ce projet de loi il en ressort un besoin de ne pas être "communautarisé". Ils défendent leur liberté de penser vis à vis de cette loi au delà de l'unicité affichée par l'association LGBT. Un peu comme certains catholiques défendent quotidiennement le fait qu'ils soient pour le mariage homo - malgré l'Eglise qui affirme qu'elle est unilatéralement contre.
S'ils sont contre c'est parfois en réaction à cette idée véhiculée que tous les homo voudraient pouvoir se marier (enfin quoi que, dès le départ il a été clairement dit que tous les homo ne revendiquaient pas ce droit ou ne désiraient pas se marier).
Certains défendent également l'idée qu'un enfant ne peut être élevé que par une mère et un père et que le mariage reste une union entre deux personnes du même sexe. Pour ces derniers je me pose un peu la question de savoir s'ils s'assument. C'est un peu violent envers sa propre personne que de se considérer inapte à fonder une famille.
D'autres encore défendent qu'être homo c'est être hors des lois normatives et qu'accéder au mariage ruinera le côté libertaire qu'aurait l'homosexualité (donc l'homosexualité comme une sexualité à part entière et qui doit rester à part).
Après je ne suis pas spécialiste donc c'est simplement ce que j'ai entendu de ci, de là.
Princesse Kara ton analyse sur l'aspect politique de la question est intéressant - bien qu'un peu facile puisque ça relève des aspects évidents (la droite qui l'utilise pour se plaindre du gouvernement, la gauche qui ne veut pas perdre sur ce terrain là mais qui s'embrouille devant les critiques...) et ça me fait dire que si l'élection de Hollande est en partie dû à un désaveux de notre ex-président un référendum sur la question serait utilisé comme jugement du gouvernement actuel (même si la question du référendum a déjà été tranchée). De plus cet argument dessert les gens qui descendent dans la rue et qui nous parlent d'un danger imminent pour notre civilisation - finalement si, malgré le danger, Hollande valait mieux que Sarko c'est que ce n'est pas si grave que ça.
Mais bon, la politisation de la question -qui ne fait aucun doute- ne lui enlève pas son importance.
Par contre j'espère que tu ne crois pas sérieusement que le gouvernement ne travaille actuellement que sur ce projet ? Evidemment qu'il travaille sur plusieurs fronts et actuellement c'est ce projet là qui est le plus visible mais l'Assemblée travaille tous les jours sur plusieurs projets de lois et le gouvernement gère de très nombreux dossier en même temps. Je ne sais pas combien de personne sont mobilisées pour travailler la question (monter le projet de loi, etc.) mais ce n'est qu'une petite minorité, un effectif constitué autour d'un ministère qui se charge actuellement de cela (et se chargera d'un autre dossier par la suite). En attendant d'autres groupes travaillent sur d'autres projets.
Peut-être que si cette loi fait tant de bruit c'est aussi parce que l'opinion publique a besoin d'entendre autre chose que des problèmes économiques ? J'entend beaucoup de monde critiquer le fait que le plus important c'est les finances... oui sauf que peu de personne y comprend vraiment quoi que ce soit à ces questions la et ça laisse un sacré sentiment de vertige. La question du mariage ça concerne tout le monde (si on veut débattre de sa définition, de sa sacralité)- en tout cas tout le monde se retrouve à y participer. Alors certes ça doit bien arranger le gouvernement (quoi que, il est énormément critiqué par les contre et les pro) mais fondamentalement ça intéresse quand même la population (qui s'est mobilisée en masse, qui débat sur des blogs, des forums, qui lit les articles de presse concernés...). Après on peut débattre sur le rôle des média dans cet intérêt et certainement que d'en parler sans cesse dès les premiers mois à provoqué cet engouement qui n'aurait pas eu lieu (possiblement) s'il y avait eu une ou deux émissions sur la question et puis point. Mais maintenant ça secoue les foules, ça permet aux gens de parler d'autres chose que du chômage et des problèmes - et limite ça permet à certains de se venger en faisant porter à cette lois toutes les désillusions d'une génération (quand même ! lui prêter la capacité de déliter notre société !).
Si la définition du mariage te dérange, ou plutôt te questionne, c'est peut-être que tu es gênée par l'idée que ça ne soit finalement pas ce en quoi tu as toujours cru (et sur quoi tu as du mal à mettre des mots). Aujourd'hui on se rend compte que le mariage est compris de différentes façons en fonction de son histoire et de sa culture. Pour certains c'est la filiation qui prime, pour d'autre c'est son caractère inaltérable, pour d'autre la base de la société qui est divisée entre hommes et femmes, pour d'autres une preuve d'amour, d'autres encore un contrat... Ça faisait un moment que la question n'avait pas été mise sur le tapis et voilà que nos idéaux se confrontent à la loi telle qu'elle est écrite et aux extrémistes de tous genre.
Alors quoi ? Doit-on figer ce mariage ? Et selon quels critères ? C'est le plus fort qui doit l'emporter ? Est-ce l'amour ou la filiation qui détermine la viabilité d'un mariage ?
Ou doit-on permettre au mariage d'être pour les uns comme pour les autres ? Adaptés à toutes les situations légalisées ou en droit de l'être ?
Doit on uniformiser l'union de deux personnes ou assouplir son caractère moral et social de façon à correspondre au mieux aux attentes et aux besoins de la population ?
Pour toi, dans le fond, c'est un homme et une femme. Au delà de ça c'est aussi l'image de la famille. Les enfants issus biologiquement de leurs deux parents. Ce n'est pas qu'un problème de mot ou de définition - c'est une question d'image, de projection mentale de la réalité que recouvre un mot, une institution. Tu l'as apprise d'une certaine manière par le biais de ta famille, de ton histoire, des films et des contes qui t'ont bercés. Et maintenant tu découvre (façon de parler) que cette image n'est pas la même pour tout le monde. Je comprend ton malaise. Je respecte ta vision du couple marié. En retour il faudra respecter la pluralité des images liées au mariage. Personne ici, je pense, n'est apte à imposer sa vision. Aucune étude ne certifie que le couple homme/femme est transcendant et le seul viable. Hors les homosexuels ne vont rien influer à la vie des hétéro si ce n'est quelques détails qui frustrent beaucoup les concernés :
- l'adoption internationale qui risque d'être pénalisée (mais là excusez moi on est à fond dans le "droit à l'enfant" - en gros refuser le mariage homo sinon ça pourrait mettre des bâtons dans les roues aux familles souhaitant adopter à l'étranger).
- l'affirmation de l'existence de l'homosexualité et de ce modèle parental. Aujourd'hui conventionnellement un homme + une femme + des enfants dans la rue c'est une famille. Demain un homme + un homme avec des enfants dans la rue seront aussi considérés comme une famille. Le modèle type idéal et prôné par certains comme le seul existant sera "brisé" (son unicité le sera). Il faudra dès lors accepter ces nouvelles familles dans son environnement. Ce point semble beaucoup gêner certains opposants.
Cette loi propose que le mariage unisse deux personnes - quel que soit leur sexe. Et que ces deux personnes puissent, comme n'importe quel couple uni devant la loi actuellement, fonder une famille. Ce fait déchaîne les passions et une partie de la population voudrait qu'on légifère finalement sur ce qu'est une famille légitime et quels sont les moyens acceptables d'y parvenir.
Finalement toi tu prône un tout-naturel (avec exception pour la PMA pour des couples non-stériles, ayant seulement des difficultés).
Moi je me situe à l'inverse en pensant (mais je n'ai pas plus de légitimité que toi, aucun diplôme certifiant que mon avis prévaut sur le tiens) que la nature fait trop souvent défaut et que la possibilité physique de faire des enfants ne peut être la seule façon acceptable de fonder une famille.
Contrairement à toi le désir d'enfant je l'ai et depuis très longtemps. Non pas que j'en veuille un là maintenant mais je ne me suis jamais imaginée autrement qu'en mère de famille (nombreuse). Et sans jamais exclure l'adoption (ce point dépendra de la situation de l'adoption internationale mais dès mes 12 ans j'imaginais ma famille composée d'au moins un enfant adopté). Aujourd'hui je ne suis réticente ni à l'idée du don de gamète ni, dans l'absolu, à la GPA. Ce désir d'enfant (ou plutôt cette conscience qu'un jour j'en aurais) ne me met pas sur un pallier plus propice que toi pour parler de cette loi. Simplement je peux témoigner (en tant que femme ayant un désir d'enfant mais aussi en tant que grande amateur de reportage sur la question) que ce n'est pas un désir futile ou facile à renier que je me mettrais en devoir de rayer en cas de problème de santé...
Les femmes (mais aussi les hommes) qui se retrouvent en incapacité à procréer et qui rencontrent un désir d'enfant sont minés. Il ne suffit pas de dire "tu ne peux pas donc cesse de le désirer". Ce n'est pas comme un jeune homme qui ne peut devenir pompier parce qu'il est trop petit (et encore que c'est assez traumatisant) ou la maison de nos rêves qui coûte trop cher... Tout ça ce sont des choses qui, dès le début, ne nous sont pas promises. On sait que notre niveau de vie dépendra de nos finances, notre futur métier de nos études, etc. La famille relève d'autre chose et devoir renoncer c'est soudainement devoir renier ce qui semble, pour beaucoup, être la seule façon de vivre et de vieillir, le seul modèle proposé (bien qu'une certaine partie de la population fait le choix de ne pas se marier et de ne pas fonder de famille (bel exemple d'emimiX3 - mais j'ai aussi une soeur qui, bien qu'élevée dans la même famille que moi, ne veux ni mari ni enfant - comme quoi le cadre familiale n'est pas le seul déterminant).
Ça m'a toujours agacé de voir des personnes, en général n'ayant jamais rencontré aucun problème pour fonder leur famille, juger ceux qui ont du mal. Parce que selon leur éthique une famille "créée en laboratoire" n'est pas vraiment une famille. Je pense que c'est trop facile de dire ça quand il suffit de regarder la personne qu'on aime, proposer de sauter le pas, s'amuser au lit et paf ! Voilà, famille fondée !
Et si on inversait la chose ? Et si l'enfant créé "sans y penser" n'était plus légal ? Comment réagirions-nous ? Ça sera peut-être un jour le cas et il faudra expliquer à un juge pourquoi et comment on a pu oser mettre au monde un être humain "sans y penser vraiment" et sans passer devant des psychologues et conseillers juridiques et financiers. Ce jour là on considérera peut-être que le désir d'enfant ne peut être que réfléchit et "labellisé". Si cette vision est choquante, le fait de vouloir interdire un autre moyen de reproduction que le "naturel" l'est pour moi tout autant.
Finalement peu importe ! L'enfant est là, il est vivant, il est aimé, il sait d'où il vient (faut voir qu'actuellement la bioéthique liée à la PMA défend l'idée que l'utilisation de la PMA doit être un secret. Qu'elle doit servir à "conserver l'illusion") - car il n'a jamais été question de le lui cacher.
Et si on estime qu'un enfant doit absolument savoir d'où il vient alors ce n'est pas sur la question du mariage ou de l'adoption par des couples homosexuels qu'il faut réfléchir mais sur les questions de filiation d'une manière générale. Si l'enfant et le respect de ses origines doit prendre le pas sur tout le reste alors on doit mettre fin aux dons de sperme et d'ovocytes anonymes ainsi qu'à l'accouchement sous X. Et toute adoption en France ne doit être possible que quand l'origine des parents est clairement établit (donc refuser qu'un couple français puisse adopter un enfant dont on ne sait rien du père biologique par exemple).
Mais comme cela (ainsi que la fin de l'autorisation de divorcer, l'interdiction des familles monoparentales, etc.) n'est pas demandé clairement par les opposants au mariage homosexuel alors que toutes ces questions ont un impacte identique (voir majoritaire) sur la question du bien des enfants et la connaissance de leur filiation je crois qu'on peut effectivement dire que quelqu'un qui s'oppose au mariage pour tous sans s'opposer au reste (que je viens de citer mais il reste d'autres "aberrations") est homophobe. Ou en tout cas juge à outrance l'homosexualité comme un risque grave, le seul qui doit être pénalisé (ou en tout cas surtout pas légaliser).
Personnellement je pense qu'un couple de personnes âgées ou une personne célibataire peuvent tous faire de très bons parents. idem pour les homo. Mais ni toi ni moi n'avons le droit de leur donner l'autorisation... ou l'interdiction de le faire.
Dernier point sur la GPA et la PMA...
La PMA pour les femmes dans un couple de lesbiennes ça veut dire que l'une d'elle va être fécondée médicalement par le spermatozoïde d'un donneur (ou, pourquoi pas, porter l'ovule inséminée de sa compagne). Elle va porter l'enfant pendant 9 mois, accoucher et être l'un des deux parents de cet enfant.
La GPA n'est pas l'égal de la PMA. Donc non autorisation de la PMA pour les femmes ne veut pas dire autorisation de la GPA pour les homme puisque dans la GPA il y a l'intégration d'une tierce personne (au delà d'un simple don d'ovocytes). Pour le moment les hommes ne peuvent pas porter d'enfant donc tant que ce n'est pas le cas ils auront besoin d'une mère porteuse (à qui on pourrait peut-être donner un autre nom que cette espèce d'insulte).
Un couple de gay sera sur pied d'égalité avec un homme célibataire.
Un couple de lesbienne sera sur pied d'égalité avec une femme célibataire (actuellement toutes 3 interdites de PMA en France).
Et pour finir, désolée mais pourquoi être choqué d'un changement dans le livret de famille ? (Qui n'est pas aussi stigmatique que le dise les opposants). Soyez honnêtes, vous l'avez déjà ouvert ? Vous en avez eu besoin pour nommer vos parents ? Si vous deviez vous appeler "parent 1" (ou A ou B ou chose...) ça vous empêcherai d'être un papa ou une maman ? Il y a d'autres appellations malhabiles dans les documents officiels - si cette appellation (qui ne concernera que les couples concernés) vous gênes alors il va falloir faire changer bon nombre de document aux cadres disgracieux.
C'est marrant parce que tout le monde s'est moqué du "mademoiselle" retiré - comme quoi ce n'était qu'un mot. Et maintenant on pleure sur la disparition (qui n'en est pas une) de père et mère d'un livret à peine consulté.
Mais comment faisaient nos ancêtres sans leur livret de famille ? Peut-être ne s'appelaient-ils même pas !
Et à ce sujet un article qui explique certaines subtilités oubliées :
http://decodeurs.blog.lemonde.fr/2013/0 ... riage-gay/