par loéva-mat » 01 Déc 2012, 17:05
Hum...
Beaucoup de vos avis se recoupent sur l'idée que le suicide est une lâcheté, un acte égoïste et simplement méchant pour "ceux qui restent". Vous avez surtout évoqué des ado mal dans leurs peau, des handicapés ou malades et des personnes ayant des faiblesses de caractères (au sens qu'a très bien expliqué Seven).
J'aimerai juste évoquer ici un autre aspect du suicide dont on entend de plus en plus parler aujourd'hui - le suicide "militant" (je ne sais pas si c'est vraiment ce nom qui lui est donné mais c'est celui que je lui donnerai). Ce sont ces moines tibétains, ce sont ces grecs, ce sont ces femmes et ces hommes dans le monde qui mettent fin à leurs jours pour les autres. Pas parce que leur vie leur semblait invivable (même si pour certains c'étaient le cas) mais parce qu'ils ont choisis de mourir pour attirer l'attention sur un problème.
La population tibétaine opprimée (je ne sais pas si vous le saviez mais le gouvernement chinois à lancé une campagne il y a quelques années pour la stérilisation des jeunes filles tibétaines... de cette façon ils ne tuent personne mais ils empêchent un peuple d'avoir une descendance...), la pauvreté, le harcèlement, le racisme...
Ce qu'il y a d'incroyable avec le suicide c'est qu'aujourd'hui beaucoup ont le sentiment que se donner la mort (en public et avec beaucoup de théâtralité -dans un lieu important, devant un bâtiment du gouvernement, devant des caméras...) est le seul moyen de défendre leur cause. C'est devenu, pour ces cas là de suicide, un moyen de défendre une opinion et -très paradoxalement- le droit de vivre.
Et c'est affligent de se rendre compte que ça marche. Qu'on ne parle des problèmes d'une population que quand l'un de ses membres s'est donné la mort. Une fillette de 10 ans, diabétique, s'est donnée la mort il y a 2 ans près de chez moi. Pendant une semaine la question du diabète chez les enfants était en première page de tous les journaux du coin. (Evidemment je ne crois pas que la fillette ai choisi de mourir pour une noble cause... elle en avait juste assez / mais la médiatisation de sa mort est tout de même un bon exemple).
Je pense à ce papi de 70 ans qui s'est tué devant le parlement grec. De ces femmes qui s'immolent par le feu après avoir été violentées. Des homosexuels qui se suicident (encore une fois, pas systématiquement pour dénoncer quelque chose... je n'établit pas ici une vérité générale sur le suicide, seulement un de ses aspect).
Ça me fait quand même beaucoup réfléchir. Aujourd'hui, c'est vrai, j'ai l'impression, en entendant certains discours de certains politiques, que si je ne trouve pas un travail je ne vaudrai rien. Et plutôt que de me déprimer ça m'énerve. Et je comprend que certains se suicident "juste" pour montrer que derrière ces mots, ces accusations et ces coupes budgétaires (ou ces lois injustes, ces guerres, etc.) il y a de réelles vies humaines. On ne peut pas simplement dire "ces gens là sont des poids, des assistés" et s'en laver les mains. Il y a des vies qui sont réellement en jeu et ça m'attriste de voir qu'on y pense pour de vrai que quand quelqu'un se donne la mort.
Dans ces cas là ce n'est pas juste un abandon face à un obstacle à surmonter c'est un sacrifice - mais pas un sacrifice glorieux, c'est un appel à l'aide et un cri de désespoir.
Concernant les suicides que vous avez évoqués je crois qu'il faut aussi penser qu'un suicide désespéré c'est quelqu'un qui pense qu'il ne manquera à personne et qu'il est devenu un poids plus qu'autre chose. L'idée que ses proches souffriront lui échappe probablement parce qu'il est soit trop concentré sur ses problèmes (qui deviennent de véritable montagnes infranchissables) soit trop persuadé qu'il est la cause de tous les problèmes. D'autant que certaines familles n'aident pas. Dans la mienne j'ai une tante actuellement en arrête de travail pour dépression et sa soeur n'a pas eu d'autre idée que de se mettre en avant en lui expliquant que d'arrêter de travailler était un manque total de bonne conscience (et qu'en gros elle était stupide et ne valait rien ...).
Dans les faits il y a énormément de personnes qui songent au suicide (après une perte de ressources, un divorce, une agression, un harcèlement, ...) ou qui y ont songé. Tous les jeunes y ont pensé à un moment où à un autre (je vous renvoi au commentaire de Nymphetameen en page 7). La question des proches est souvent le facteur qui empêche le passage à l'acte.
Et j'aimerai juste qu'on évite de tomber dans l'écueil facile du "un moment de déprime ça passe vite" et "chaque obstacle doit être surmonté" - quand tout va bien c'est super facile de se dire ça. Y a des jours où on n'a peur de rien, où on sent que rien ne peut nous freiner et qu'on a les capacités de faire face voir même de tirer avantage des difficultés. Ces jours là le monde pourrait nous tomber dessus qu'on aurait le courage de tout ranger et tout reconstruire. Notre jeunesse nous fait miroité l'absolue infinité des possibilités qui s'offrent à nous et au diable les enquiquineurs.
Mais quand ça va mal - et je suis certaine que vous avez tous vécu des jours comme ça - c'est totalement l'inverse. Chaque chose qui vous arrive est une mauvaise chose. Chaque élément perturbateur semble vous promettre un destin funeste.
Bon et imaginez que cette déprime d'un jour (qui dure parfois le temps d'une soirée) dure, dure et s'éternise. Que les problèmes s'amassent à votre porte sans que vous vous sentiez les capacités de les surmonter.
Ce n'est pas qu'une question de force de caractère - il y a des gens qui avaient de véritables possibilités et un véritable caractère qui se retrouvent aujourd'hui acculés. C'est très facile de détruire quelqu'un. Quelques remarques désobligeantes répétées, un boulot perdu, puis un autre, des dettes, des reproches des proches (qui en fait s'inquiète mais l'exprime par la violence et les accusations) - rien de forcément extravagant -pas la peine d'aller chercher des affaires sordides-.
Et quand vous allez mal et qu'en allumant votre télé vous tombez sur des types qui expliquent que ceux qui n'y arrivent pas sont des fainéants. Que ceux qui abandonnent sont des chiffes-molles. Quand vous allez sur des forums et que vous lisez que c'est facile de surmonter des déprimes (donc que vous êtes faible puisque ça fait 3 mois que vous vous y enfoncez). Finalement il n'y a plus grand chose qui doit vous retenir à la vie.
Il faut faire très attention à ce qu'on dit des autres parce qu'il y aura toujours quelqu'un pour vous écouter ou vous lire. Aider quelqu'un à surmonter ses problèmes ce n'est pas simplement lui dire qu'il faut être fort dans la vie (sinon le raccourci "je suis faible donc je dois mourir" est alors trop facile) - c'est lui montrer qu'il l'est, qu'il l'a déjà été et qu'il peut encore l'être. Ce n'est surtout pas jugé l'état dépressif mais juger ensemble (avec le principal concerné) ce qui a amené la dépression.
Il y a de nombreux psychologues qui travaillent avec les populations pauvres (j'en parle parce que j'ai vu un reportage sur le sujet dans la semaine) sur leur idée de ce qu'est le bonheur. Avec nos stéréotype du bonheur on crée une idée de ce qu'est le malheur.
ex : Le bonheur vient avec l'argent - beaucoup de dépressions se trouvent dans les couches les plus pauvres de nos sociétés (forcément on vous explique sans cesse à la télé qu'il vous faut une nouvelle voiture, une nouvelle télé, offrir plein de cadeaux à vos enfants, partir en vacances... bref' le rêve !). Au final on met au placard des bonheurs plus simple.
autre exemple : le bonheur c'est l'amour - et quand on se fait larguer on a donc tout perdu. Là c'est la conception général de l'amour (avec un grand A qui n'arrive qu'une fois, etc.).
Encore un autre : la stérilité. Bon sang vous vous rendez-compte que les petites filles sont élevées pour être des futur-mamans (avec tout l'attirail, du bébé malade à la marchande (pour déjà savoir gérer une liste de course) en passant par la cuisinières miniature (attention ! savoir gérer le poulet et les légumes) et le balais rose ou bleu ? Et quand une femme apprend qu'elle est stérile - qu'est-ce qui lui reste ?
Evidemment moi je considère qu'il lui reste tout - mais il faut bien comprendre que certaines choses sont particulièrement mises en valeur aujourd'hui et que ne pas les avoir peut être une réelle souffrance même si on s'accorde à dire que "finalement ce n'est rien" /mais c'est facile à dire quand on les a, justement/
C'est un sujet très intéressant mais qu'il faut prendre en essayant de considérer tous les paramètres pas simplement le côté sensible et affectif de ceux qui restent (et ce n'est pas un beau rôle, ça non - ni un cadeau ça c'est absolument certain) parce que c'est eux qu'on voit le plus (ou parce qu'on en fait parti).
Tout ira bien